Bobler : redonner de la voix au web

Internet demeure étonnamment vide de la parole des internautes. Car si ceux-ci écrivent, se photographient ou se filment, leur voix reste absente en tant que medium à part entière. Le blog sonore n’existe pas. Les podcasts ? Ils restent l’affaire des radios et de blogueurs semi-professionnels. Soundcloud ? Cette plateforme est d’abord un repère de musiciens. Jusqu’à présent l’on n’a vu s’imposer aucun « Twitter du son », où les 140 caractères seraient remplacés par des petits messages vocaux. Des sons courts mais tellement plus riches, car en l’espace de quelques minutes votre voix peut faire passer une infinie variété de tons et d’émotions, du lyrisme au mépris, de la tristesse à la joie, de la haine à l’amour.

Le pitch

Bobler permet de créer des petits clips audio de 2 minutes maximum, appelés « Bulles ». Ces Bulles sont géolocalisées par l’internaute en fonction de leur contenu. Par exemple si vous enregistrez une Bulle sur Louis XIV, vous pourrez l’associer au Château de Versailles :

Ensuite Bobler fonctionne comme un réseau social classique : l’internaute choisit de suivre des contributeurs. Leurs Bulles sont représentées sur une carte:

Toutes les Bulles peuvent être partagées sur Facebook et Twitter, et écoutées quel que soit le terminal.

Bobler est disponible depuis ce printemps, via une application iPhone ou via un site internet. Les versions Windows Phone et Android sont annoncées pour la fin 2013 (pas de « web app » prévue).

Le contenu comme nerf de la guerre

Comment lancer ce nouveau « média social vocal » ? C’est tout le défi de Bobler qui a choisi de mettre l’accent sur le contenu.

Bobler a d’abord demandé à des « influenceurs » d’origines très diverses de venir parler de mode, d’histoire, d’architecture, de design, de politique ou encore de nouvelles technologies. C’est ainsi que l’on peut entendre Max Gallo évoquer Louis XIV et les femmes, Philippe Meyer regretter la disparition des charcutiers, Inès de la Fressange admirer la vitrine de Roger Vivier, ou encore Nathalie Kosciusko-Morizet présenter ses porte- paroles.

Bobler a également mis en place des partenariats avec de grandes institutions culturelles : le Grand Palais-RMN, le Centre Pompidou, Univers Science, le musée Delacroix, les Arts Déco, la Gaîté Lyrique, l’Institut de France et le Palais de Tokyo. A partir de la mi-septembre les Bulles de ces institutions seront visibles par défaut par tous les abonnés. Il ne s’agira pas de publicité mais de communication culturelle.

Depuis la rentrée, l’émission de France Inter « La tête au carré » propose aux auditeurs de diffuser leurs meilleures Bulles à l’antenne.

Enfin parmi les contributeurs on commence à trouver de grandes entreprises comme Kartell, Baccara, Orange et les Galeries Lafayette.

 

Les fonctions à venir

A l’automne il sera possible d’intégrer ses Bulles à un site, comme cela se fait aujourd’hui avec une vidéo YouTube. Pour sa prochaine refonte, Bobler développe également une messagerie privée entre utilisateurs.

L’une des priorités de Bobler est de mettre en place un système automatisé d’indexation et de référencement des clips audios, ce qui nécessite une bonne technologie de reconnaissance vocale. Les algorithmes de curation, qui sont à l’origine des suggestions faites à l’internaute, constituent aussi un pan important du développement à venir.

Les statistiques de Bobler sont amenées à s’étoffer : pour le moment la plateforme ne comptabilise que les clips écoutés de bout en bout (ce qui représente tout de même 80% des écoutes !).

La qualité du son reste une priorité pour la startup. Celle-ci m’a parue excellente mais la diversité des des mobiles représente un vrai défi technique pour Bobler.

La startup réfléchit également à un système de géolocalisation précise dans les bâtiments, ce que ne proposent pas les actuelles puces GPS. Ce pourrait être via un tag NFC.

Qu’adviendra-t-il des Bulles les plus anciennes ? Celles-ci finiront par disparaitre, sauf si elles acquièrent une dimension « patrimoniale ».

 

Avenir et business modèle

Pour le moment Bobler a choisi de se concentrer sur l’acquisition d’une masse critique d’utilisateurs-contributeurs : la startup connait une croissance de ses inscrits de 20% par semaine, 10% d’entre eux enregistrent leurs propres Bulles. Il s’agit essentiellement d’urbains ayant entre 25 et 35 ans.

Bobler se rémunèrera sur un modèle « freemium » (service de base gratuit, options payantes). Par exemple la limite de 2 minutes pourrait être prolongée pour les utilisateurs payants. Bobler exclut d’avoir recours à la publicité, jugée trop intrusive dans des formats audio courts.

Bobler compte déjà de grandes marques et des opérateurs de service parmi ses clients. A chaque fois il s’agit de missions spécifiques comme une intégration à un site, des prestations de conseil pour réaliser des Bulles, la mise en avant d’un contributeur sur la plateforme…

Bobler envisage également de vendre son service en marque blanche aux entreprises qui souhaitent se passer du papier pour leurs échanges d’informations. Il s’agira là plus d’une messagerie géolocalisée.

 

Pour conclure

« Le web est trop calme. Il est temps de monter le son. » titre Wired dans un article du mois de septembre. Le magazine américain le constate, il n’existe aucune plateforme de référence pour les échanges audio non musicaux. Pourtant le besoin est bien là, il émerge sur la toile, en témoigne ces enregistrements d’activistes du printemps arabe, de fondus de livres ou de grands timides de l’écrit…

En axant son développement sur le contenu, Bobler parvient intelligemment à éviter l’écueil du café du commerce. Les Bulles sont de qualité et vous vous surprendrez à flâner longuement sur la plateforme. Souhaitons que cela dure !

La startup a également compris que de plus en plus de recherches sur internet sont désormais liées au lieu où se trouve l’internaute. Son choix d’ancrer les Bulles à un lieu est particulièrement pertinent.

Pour les marques et les distributeurs, Bobler représente une excellente façon de communiquer différemment. La startup démontre ainsi que la radio est loin d’être un support dépassé.

Passionné d'innovation, ex Natixis, Groupe La Poste et Lab vente-privee.com. Le Phare Digital est un blog personnel, mes opinions n'engagent bien évidemment que moi.

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