31 janvier 2018
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Par
François Guéno/
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Consulter un manuscrit vieux de 200 ans à la Bibliothèque Nationale ne vous demanderait pas trop d’efforts. Certes la langue française a évolué, le « s » long a disparu de nos typographies, mais vous ne vous retrouverez pas devant un amas informe de caractères cabalistiques.
Consulter un tapuscrit sur une disquette vieille de 20 ans ne sera pas forcément aussi simple. J’en ai fait récemment l’expérience en tentant de récupérer le fichier source d’un livre paru en 1995. La disquette, formatée sur une antique machine Apple, comportait un document en Word 6 pour Macintosh. Je vous passe le lecteur et ses crissements d’outre-tombe, ainsi que le numéro de jongleur entre un Mac moderne et un PC, ce dernier étant paradoxalement le seul capable d’ouvrir le fichier.
Notre mémoire serait-elle donc si fragile ? Jadis menacés par la lumière, l’eau, le feu, les moisissures et l’oubli, nos écrits sont désormais soumis au bon vouloir d’intermédiaires mécaniques menacés par l’usure, l’obsolescence et la négligence.
Négligence ? Piqué par mes difficultés à lire les archives familiales, j’ai voulu me prémunir de l’oubli en créant une machine dédiée. Rien de mieux que le G4 Cube sorti en 2000, dernier Mac à pouvoir démarrer sous le système Apple Classic en plus de OS X. Restaurer le matériel ne fut pas trop compliqué. Le logiciel, en revanche, si.
Quelle ne fut pas ma surprise en découvrant qu’Apple a effacé une bonne partie de ses archives antérieures à 2002. L’intégralité de son serveur FTP, c’est à dire les drivers, firmwares, systèmes d’exploitation et autres mises à jour qui permettaient justement d’entretenir nos vieilles machines : Apple II, Macintosh Classic, PowerMac … Certains fichiers sont encore miraculeusement présents sur le site, mal indexés, voir pas du tout. La roulette russe de l’oubli… On en retrouve des copies, souvent sur des sites anglo-saxons. Mais quelle sécurité accorder à des programmes provenant d’inconnus ?
Apple n’est qu’un exemple, on pourrait citer LucasArts et ses monuments du jeu vidéo, Microsoft et ses logiciels Mac antérieurs à 2008… A l’heure du Cloud Computing et de ses faibles coûts, quelle était donc le bénéfice pour que l’on supprima des pans entiers de notre mémoire informatique ? Cette « négligence » ne ronge pas seulement notre mémoire individuelle. Elle menace celle de nos organisations, de nos entreprises, nos cultures et nos civilisations.
Je me demande souvent ce que les écrivains contemporains légueront à la Bibliothèque Nationale. Des CD ? Des disquettes ? Viendra-t-on se recueillir sur un clavier usé comme l’on regarde fasciné le stylo de Colette ? Je sais, en tout cas, qu’il est urgent de se prémunir de l’oubli en préservant machines et logiciels.
Passionné d'innovation, ex Natixis, Groupe La Poste et Lab vente-privee.com. Le Phare Digital est un blog personnel, mes opinions n'engagent bien évidemment que moi.
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